Sous les orangers,
la famille Mekkaoui.
Extrait.
Avril 2023, Radès, banlieue sud de Tunis, Tunisie. Extrait.
La famille Mekkaoui m’a ouvert les portes de son foyer située dans la banlieue sud de Tunis durant deux jours, le 27ème jour du Ramadan appelé la Nuit du Destin et le jour de l’Aïd. La maison familiale a été construite par le père, Fadhel en 1982 dans la ville de Radès, là où il a grandit.
Aïcha, l’aînée de la fratrie me confie « Nous sommes une famille typiquement tunisienne-tunisoise », c’est comme ça qu’elle la décrit.
Chacun des membres de la famille entretient un lien fort avec celle-ci, ils ont construit leurs propres rituels leur permettant de consolider au fil des années cette énergie d’amour et de partage, alors même que chacun suit son chemin de pensée et de vie qui parfois les oppose.
Une fois par an, le jour de l’Aïd al-Fitr, les enfants et le père Mekkaoui vont de maison en maison visiter les proches comme le veut la tradition. Les femmes, tantes, cousines, mère d’enfants partis vivre à l’étranger, attendent patiemment du matin jusqu’aux dernières lueurs du jour, ce défilé pour offrir café turc, citronnade, jus de fraise, ou bien quelques délices tunisiens, en échange des dernières nouvelles de la famille. À chaque pas de portes franchis, nous nous demandons de quelle manière nous pourrons encore avaler les pâtisseries offertes avec toute la générosité que l’on connaît des tunisiens.
Kaouther, la seconde de la fratrie, s’accroche avec résistance et résilience à cette tradition de visite annuelle. La mélancolie d’une Tunisie passée s’est installée dans tous les interstices de la société depuis longtemps. Des services publics de bases inexistants, chômage de masse, inflation galopante qui asphyxient le pouvoir d'achat des Tunisiens, pénuries de produits alimentaires de bases, les maux de la Tunisie douze ans après la révolution sont criants.
La fête de l’Aïd n’est plus ce qu’elle était, elle a perdu de ses couleurs, les rues de Radès, qui à une certaine époque étaient abondantes de rires, d’enfants portants leurs plus belles tenues pour être photographiés dans des studios éphémères, de bruits et de musique, aujourd’hui semblent éteintes par une morosité ambiante.
Aïcha et Kaouther, les deux filles de la famille Mekkaoui, toutes deux diplômées d’un master, envisagent de quitter le pays d’ici la fin de l’année, comme une majorité de jeunes tunisiens. La France pour l’une, le Canada pour l’autre.